Un texte qui encourage le travail, ou qui crée de l’injustice ? Doit-on travailler plus pour perdre moins?

Le second volet d’une réforme phare du quinquennat, qui introduit un nouveau mode de calcul de l’allocation chômage, est entré en vigueur le 1er octobre. On vous explique ce que cela va concrètement changer pour vous, selon votre profil.

 Objectif affiché par le gouvernement : lutter contre la “permittence” – l’alternance entre périodes travaillées et non travaillées – et désendetter l’Unédic, l’organisme paritaire chargé de la gestion de l’assurance-chômage.

– Le premier volet de la réforme, en novembre 2019, prévoyait l’allongement de la durée de travail nécessaire (de quatre à six mois) pour percevoir une indemnisation chômage, la dégressivité des allocations pour les hauts revenus et la mise en place d’un bonus-malus pour les entreprises abusant des contrats courts. 

– Le deuxième volet de la réforme de l’assurance-chômage, lui, modifie le calcul du salaire journalier de référence (SJR), qui sert à établir le montant de l’allocation chômage – également appelée allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE). Jusqu’à présent, ce montant était obtenu en divisant le salaire brut total perçu au cours des 12 derniers mois par le nombre de jours travaillés pendant ce laps de temps, qu’on appelle “période de référence”.

Il sera désormais calculé en divisant ce salaire par l’ensemble des jours, travaillés ou non, entre le premier et le dernier jour d’emploi de la période de référence. Le montant des allocations perçues va donc mécaniquement diminuer si l’activité n’a pas été continue, puisqu’à situation égale avant et après la réforme, le même salaire sera divisé par davantage de jours. Par ailleurs, la période de référence passe de 12 à 24 mois (elle reste à 36 mois pour les plus de 53 ans).
En contrepartie, la réforme allonge la durée théorique durant laquelle un salarié peut toucher des droits, de 11 mois en moyenne à 14 mois. Les chômeurs vont donc toucher moins, mais théoriquement plus longtemps.

Au total, l’Unédic estime dans une étude d’impact sur la réforme que 1,15 million des allocataires (soit 41% d’entre eux) qui ouvriront un droit dans l’année qui suit la mise en place de la réforme toucheront une allocation journalière plus faible (de 17% en moyenne) qu’avec les règles en vigueur jusqu’à maintenant. Mais qu’en est-il précisément selon votre situation ?

On vous aide à y voir plus clair:

 

Je suis déjà au chômage quand la réforme entre en vigueur

La réforme ne concerne que ceux qui s’inscrivent à Pôle emploi ou rechargent leurs droits à partir du 1er octobre. Dans l’immédiat, rien ne change donc pour vous. Vous continuerez de percevoir la même allocation jusqu’à ce que vos droits actuels soient épuisés ou jusqu’à ce que vous retrouviez un emploi. En revanche, si vous êtes de nouveau au chômage par la suite, et à partir du moment où vos droits ouverts avant la réforme seront épuisés, les nouvelles règles détaillées dans cet article s’appliqueront pour vous aussi.

Je cherche un emploi après avoir travaillé de manière continue

La règle. Avec la réforme, le calcul de l’allocation chômage reposera sur le salaire touché lors des contrats effectués durant les 24 derniers mois, et non plus seulement les 12 derniers… mais aussi sur tous les jours non travaillés qu’il y a eu entre ces différentes périodes d’emploi. Si un salarié a travaillé de manière continue, que ce soit avec un seul contrat ou en enchaînant plusieurs périodes sans “trous”, le montant de son allocation restera donc le même.

Le cas pratique. Elise*** est une jeune salariée dans le secteur de la communication. Elle entre sur le marché du travail en connaissant une période de chômage de six mois, puis effectue consécutivement deux CDD de trois mois rémunérés 2 800 euros** mensuels. Elle est ensuite de nouveau au chômage.

– Avant la réforme : Elise n’est pas indemnisée sur sa première période de chômage, car elle n’a jamais travaillé. Concernant sa seconde période de chômage, elle a travaillé 6 mois consécutifs sur les 12 mois de la période de référence. Elle bénéficie donc d’une allocation de 1 600 euros par mois durant maximum six mois. Si Elise n’a pas retrouvé d’emploi d’ici là, elle aura donc touché 9 600 euros.

Le cas d'Elise, avant la réforme de l'assurance-chômage. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)– Après la réforme : Elise n’est pas indemnisée sur sa première période de chômage, car elle n’a jamais travaillé. Concernant sa seconde période de chômage, elle a travaillé 6 mois consécutifs sur les 24 mois de la période de référence. Elle n’est pas affectée par le changement de calcul du SJR car elle n’a pas eu de période non travaillée entre ses deux CDD. Elle bénéficie donc d’une allocation de 1 600 euros par mois durant maximum six mois. Si Elise n’a pas retrouvé d’emploi d’ici là, elle aura donc touché 9600€

Le cas d'Elise, avant la réforme de l'assurance-chômage. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)

 

Je cumule chômage et reprise d’emploi

La règle. Il restera possible, sous les mêmes conditions, de cumuler la rémunération provenant d’une activité professionnelle avec l’allocation chômage. Et ce, afin d’inciter les demandeurs d’emploi à reprendre un contrat même s’il n’est pas à temps complet, ou moins bien rémunéré que le précédent. Mais le nouveau mode de calcul du SJR vient encore une fois changer la donne.

Le cas pratique. Morgan*** est agent de sécurité. Il travaille un peu moins de quatre mois au smic (soit environ 1 550 euros brut par mois avant le 1er octobre, le montant pris en compte dans nos calculs), puis n’a pas de contrat pendant dix mois. Il retrouve ensuite un emploi pendant dix mois payé au smic, ce qui lui ouvre un droit au chômage. Il s’inscrit à Pôle emploi et retrouve immédiatement du travail, mais à temps partiel : un CDD de 20 jours par mois pendant un an, payé au smic (soit 1 033 euros sur une base de 1 550 euros pour un mois plein).

– Avant la réforme : Morgan n’est pas indemnisé durant sa première période de chômage, car son contrat précédent dure moins de quatre mois. Son deuxième CDD lui ouvre des droits à l’allocation chômage. Comme il travaille désormais à temps partiel, il touche une indemnité en complément de son salaire (soit 217 euros supplémentaires). Il perçoit au total 1 250 euros** par mois.

Le cas de Morgan, avant la réforme de l'assurance-chômage. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)

– Après la réforme : Morgan n’est pas indemnisé durant sa première période de chômage, car son contrat précédent dure moins de six mois. Ces quelques mois travaillés sont cependant pris comme base pour ouvrir sa période de référence de 24 mois. Et comme Morgan n’a pas travaillé de manière continue, avec dix mois d’inactivité, le salaire journalier de référence, auquel il pourrait prétendre maintenant qu’il travaille à temps partiel, baisse avec les nouvelles règles. En conséquence, l’allocation qu’il peut potentiellement toucher en complément de son salaire à temps partiel diminue. Mais ça n’est pas tout : le plafond de cumul entre salaire et allocation est aussi réduit par rapport à l’ancien système, car il dépend lui aussi du montant du salaire journalier de référence. Morgan n’est autorisé à cumuler salaire et allocation que jusqu’à 904 euros, et il ne peut donc pas bénéficier d’une allocation en complément de son salaire. Il perçoit donc uniquement son salaire, soit 1 033 euros.

Le cas de Morgan, après la réforme de l'assurance-chômage. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)

Dans certains cas néanmoins, la perte en allocation de complément pourra être compensée partiellement ou intégralement avec la prime d’activité. Tout dépend de la composition du ménage et de ses ressources.

Je percevais un salaire de plus 4 500 euros par mois

La règle. Une partie des cadres ou des travailleurs très qualifiés de moins de 57 ans vont désormais voir leur allocation chômage diminuer à partir du neuvième mois de chômage (la dégressivité s’appliquera dès le septième mois d’indemnisation une fois le “retour à meilleure fortune” accompli*), si leur salaire moyen sur la période de référence est supérieur à 4 500 euros. Le décompte pour cette mesure est entré en vigueur au 1er juillet, elle sera donc effective à partir de mars 2022.

Dans le détail, si le montant de l’allocation journalière est situé entre 85,18 euros et 120,96 euros, le montant de l’allocation à partir du neuvième mois sera de 85,18 euros. Si le montant de l’allocation journalière est supérieur à 120,96 euros, le montant de l’allocation sera réduit de 30%.

Le cas pratique. Alain***, 50 ans, est licencié de son poste de directeur financier, pour lequel il touchait 7 500 euros** par mois. Le montant de son allocation journalière est de 124 euros : il est concerné par la dégressivité des allocations.

– Avant la réforme : Alain peut toucher une allocation de 3 717 euros par mois pendant 24 mois, soit, au maximum, 89 208 euros.

Le cas d'Alain, avant la réforme de l'assurance-chômage. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)– Après la réforme : Une fois le “retour à meilleure fortune” entré en vigueur, Alain bénéficiera de six mois de chômage indemnisé à 3 717 euros par mois, puis sera ensuite indemnisé 2 602 euros à partir de son septième mois. Il percevra donc, au maximum, 69 138 €Le cas d'Alain, après la réforme de l'assurance-chômage. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)

Entre mars et juin 2022 35000 personnes seront concernées par la dégréssivité de leur allocation mensuelle, et 25000 supplémentaires au second semestre 2022, projette l’Unédic.

La bonne nouvelle, c’est qu’utiliser cet argument avec un recruteur permet de négocier un contrat de 6 mois ou plus, plutôt que 4.

  • et pour les textes officiels, c’est par ici 

https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/